Badlands c’est la plus grosse course d’Europe de Gravel ultra distance. Eux même la qualifie de la plus « sauvage » des courses. Pourquoi la plus sauvage ?
- Premièrement le parcours. Il nous amène au centre de l’Andalousie, en traversant les déserts de Tabernas et Gorafe et en finissant en Sierra Nevada, sur les contreforts du Pico Véleta le plus haut col routier d’Europe (3400m).
- Deuxièmement la météo. L’Andalousie début septembre n’est jamais très fraiche : les températures folles et le soleil sont plus que sauvage.
- Enfin, la concurrence. Chaque année ce sont 350 cyclistes qui prennent le départ, les inscriptions se font via un tirage au sort, plus de 1200 personnes restent sur liste d’attente. Chaque année la course est convoitée par les grands noms de l’ultra, dans le palmarès de la course figure : Lachlan Morton, Mathia De Marchi, Seb Bruer et Rob Britton, des stars internationales. Les écarts à l’arrivée sont à chaque fois très serrés.
Badlands est ma « finale » de la saison 2024 ; à la fois la dernière mais aussi la plus dure. L’année entière était prévue pour me préparer pour celle-ci. Juste un mois plus tôt ma deuxième place sur la Basajaun m’a mis en confiance.
À peine un mois entre les deux courses, les deux du même type, 800 km gravel avec 16 000D+, j’ai fini la Basajaun fatigué et usé. Le challenge était de récupérer de mes traumatismes, de mon quota de sommeil et de reprendre l’entrainement pour être fin prêt pour le premier 1 septembre. Durant cette reprise d’entrainement, pour ne pas augmenter la fatigue et favoriser la récupération, je me suis limité à faire des sorties gravel sans dénivelé et en plein soleil. L’adaptation au soleil et la chaleur est très importante.
Quelques jours avant la course je suis prêt, j’ai vu la startlist et des jolis noms seront de la partie, Justinas Leivaika, Ulrich Bartholome et Kenneth Karaya rien qu’eux. Ça annonce une course excitante et surtout très rapide. Des coureurs venus du monde entier et surtout des professionnels.
Après 10 heures de route avec le Vito Groupe Clim, nous voici arrivé avec Clément (notre chauffeur 4*) et Thomas (qui fait aussi la course) dans notre Hotel à Grenade, un hôtel parfaitement choisi par Thomas car à moins de 100 mètres du départ. Un petit tour histoire de trouver un resto dans la ville et au lit, petit détail à 22h il fait encore 33 degrés…
Check in
Avec Thomas on s’avance pour récupérer nos sacs de bienvenu, les trackers et se mettre dans l’ambiance de la course. La file d’attente est longue, nous sommes dans le hall du palais des congrès, l’organisation est belle et rapide. On à même droit à du café de la part de café de Finca. On fait deux photos devant le panneau Badlands et c’est déjà le Briefing. Première chose qui met tout le monde dans le bain, le briefing se fait uniquement en Anglais, cela donne le ton de la course.
Briefing terminé, normalement nous n’aurons pas de surprise pendant la course, juste 2 petites sections à pousser le vélo mais rien de grave… On verra bien. On retourne à l’hôtel histoire de préparer le vélo et les affaires pour le lendemain, une fois les affaires prêtes on se met en quête d’une paella au riz d’encre de seiche conseillée par Clément.
Dimanche 8h
C’est le grand départ, tout les cyclistes sont présents au départ, nous sommes tous beaux et prêt à en découdre. Je reste pas loin du sens du départ en surveillant du coin de l’oeil Justinas, Ulrich, Kenneth et Alex Martinez avec qui j’avais fait une course de 300km il y a 2 ans (j’ai vu qu’il a fini 5ème l’an dernier, il fait parti des prétendants à la victoire)
Top départ, on s’élance pour 4 km neutralisés tous ensembles, devant en ligne, les favoris sont là et ça risque de partir sur un gros rythme dès le début. On passe sous l’arche des 4 km et les fauves sont lancés.
Alex Martinez est devant, moi aussi, j’en profite pour partir sur un bon rythme et m’extirper du peloton ! Très content de mon attaque sur tout les favoris je m’engage en tête sur les 16 km restant du premier col.
Assez rapidement je m’aperçois que je suis pris en chasse, avant même la fin du col mon avance est en déficit, je suis aux alentours de la cinquième place. Le dénivelé est assez agressif, plus de 2000 mD+ en 60 km.
La course est maintenant lancée, le soleil est là lui aussi et pour pimenter ce départ un mur se dresse devant moi, le Mirador de la fin del Mundo ! Une montée en gravel avec des passages à plus de 20%, au sommet du public et même la pour encourager, c’est rare en ultra distance donc j’en profite et je mesure la popularité de la course.
Bientôt ça sera le premier désert, celui de Gorafe (un des plus beau d’Espagne) et aussi une zone sans eau du kilomètre 150 au kilomètre 230. Je profite d’une traversée de village pour m’arrêter refaire les pleins. Le bar a l’habitude de la course, des bols sont rempli de bombons et de gâteau en libre service. Encore mieux, le live tracking de la course est affiché sur l’écran au centre du bar. Je reprends la route sous des encouragements.
Je roule dans le désert de Gorafe sans encombre et profite d’une vue exceptionnelle, le sol de ce désert est composé de terre tassé avec des pierres, ça roule très bien et ça secoue un peu en descente mais tout en restant correct. Correct, enfin pour moi car je croise un concurrent qui vient de prendre une vilaine chute dans la descente, il remonte à pied pour rejoindre la route plus loin.
De mon côté je subis les effets de la chaleur, je fais attention dans les descentes et prends gentiment un bon coup de chaud. Après un passage dans de la boue fraiche, je profite d’un coin d’ombre pour m’arrêter ; j’ai besoin de prendre le temps de débourrer le cadre de mon vélo, manger une barre tranquillement, ça me permet de baisser ma température corporelle.
18h je rentre dans un restaurant sur le bord de la nationale, c’est très compliqué physiquement alors que je n’ai fait que 220 km depuis le départ. Je prends, un bocadillo, une glace, un coca, des chips, 2 bouteilles d’eau plate et une petite d’eau gazeuse. Il ne reste dans le restaurant qu’un client qui traine, je fais les pleins des bidons et du camelback et sors finir mon sandwich sur la parking. Pendant que je mange difficilement le restaurant ferme, d’autres coureurs arrivent et repartent sans eau ni nourriture. C’est sadique mais je suis content d’avoir était le dernier à me ravitailler ici. Je n’ai pas envie de repartir, la chaleur m’a tué. Je finis la moitié de mon sandwich et reprends finalement la route. On abandonne pas à cause de la chaleur, ça ira mieux cette nuit…
10 kilomètres plus tard je traverse le village de GORE, un village qui chaque année encourage les cyclistes de Badlands, les gens sont au bord de la route, il y a des pancartes dans le centre ville et ils m’applaudissent quand je passe. Encore mieux, je double un américain qui est encore plus mort que moi ! Ça fait plaisir !
Je roule et la nuit tombe tout doucement, je suis reparti sur un bon rythme, en tête j’ai le km 330 qui symbolise la fin du dénivelé, après ce cap je serai sur un profil descendant en bitume et du relatif plat jusqu’au km 520, globalement ça sera 150 km de repos.
La fatigue arrive juste avant minuit, je prends un nouveau gel et des bonbons pour me faire un shoot de glycémie, ça me réveille et je passe ce dur passage. La nuit se prolonge, c’est agréable, la température est bonne. Chose étonnante, je croise beaucoup de participants durant cette nuit, on s’échange les places mais globalement je me sens en forme. Je reste aux alentours de la sixième place.
Au petit matin j’entends le bruit des vagues mais ne les vois pas, je me dis que j’ai complètement loupé la vue mer à cause de la nuit… Quelques kilomètres plus tard je la retrouve, la Méditerranée sous le soleil levant. C’est magnifique et je profite, je profite aussi de chercher un café ouvert pour faire des réserves. J’en trouve un dans un village touristique du bord de mer.
Densité de la course quand tu me tiens… Au moment où je déjeune tranquillement après presque 500 kilomètres de course les écarts sont toujours très serrés. Je me fais doubler à ce moment là par Cara Dixon la première féminine. Dure course, bon, avec mon petit-déjeuner je repars en pleine forme et enchaine bien les kilomètres.
Je passe le Cabo de Gata, le phare et les plages avec les montagnes qui se jettent dans la mer, c’est magnifique, je profite et les pistes sont vraiment géniale à rouler. Même si à un moment j’ai traversé la plage à pied pour prendre un pont mais ça ne compte pas vraiment…
J’arrive maintenant dans le Desert de Tabernas, je le redoute car la dernière fois que j’y suis passé j’ai marché en poussant mon vélo pendant plus d’une heure. Le soleil cogne fort à ce moment là mais je le supporte bien, je suis concentré pour traverser ce désert. J’entre dans les premières pistes, du sable / limon au sol mais qui porte assez pour me permettre de rouler, c’est déjà ça.
Je passe les 10 kilomètres de piste sableuse assez facilement et je m’estime sauvé, je vais bientôt commencer les 250 derniers km qui s’annoncent plutôt solide avec presque 6000 de D+, je suis très content à ce moment la, j’ai enlevé une belle épine de mon pied !
Rebondissement, à peine 10 km plus tard et malgré le fait d’être sortie de Tabernas je me retrouve dans le même lit de rivière sableux que je n’avais pas anticipé. Mentalement cela me détruit. La chaleur m’accable également. Dur moment, je passe plus de 10 kilomètres dans ce passage, je passe devant un canal d’irrigation où j’y plonge la tête sans hésitationn. Je repars plus frais et humide mais pour seulement quelques km.
Je suis obligé de m’arrêter sous un arbre pour faire redescendre ma température, c’est dommage car je suis en chasse sur le 4 ème. Quelques minutes plus tard je reprends la route, en ouvrant totalement mon maillot, ça me permet de me refroidir dans les descentes. Surprise à ce moment la, le 4 ème arrive dans mes roues, je l’avais doublé sans le faire exprès. Je me dis que j’ai fait une erreur de m’arrêter sous mon arbre…
On roule tout les deux jusqu’au prochain village, il est 20h et je dois trouver un endroit pour me ravitailler avec la longue nuit jusqu’à l’arrivée. Je trouve une guinguette ou je prends la totale avec comme cerise sur le gâteau un panini congelé qu’il me fait réchauffer au micro onde. Quelques minutes plus tard c’est Sacha le 6 ème qui me rejoint. Je finis de manger et repars pour une longue nuit. Plus que 150 kilomètres pour 4500 D+, une sacrée fin.
La nuit est sous le signe du dénivelé, je le gravis sans trop de vitesse mais sans perdre de temps sur les autres, on roule tous à la même vitesse et les écarts sont très serrés. Ça se passe bien et le nombre de kilomètres restant descend petit à petit. On arrive au milieu de la nuit, je n’ai toujours pas dormi depuis le départ, ça fait déjà 40 heures que je roule.
Il ne me reste plus que 60 kilomètres pour 2000 de D+, les pentes sont vraiment raides, je m’en accommode avec difficulté et lassitude mais l’arrivée est là, au bout de la route…
Il est 4 ou 5 heures du matin, dans une très longue descente qui me parait interminable je m’endors sur le vélo, il n’y a rien à faire… Les bonbons ne suffisent plus, ni les gels café… Je trouve une énorme buse en béton et je m’installe dedans, je n’ai plus d’énergie, à peine arrêté c’est Sacha qui me double, je ne peux rien faire…
Je dors 10 minutes et reprends la route, le rythme est normal, je ne peux pas accélérer, pas ralentir non plus, j’erre sur le chemin pour rejoindre l’arrivée…
J’arrive à Capilera ! Enfin, cela fait 47h47 que je suis parti, j’ai fait 791 km pour 16300D+…
Quelle course, sûrement une des plus intense de ma vie (pour le moment), je n’ai eu aucun répit et j’ai roulé avec une intensité incroyable. Je finis avec le plaisir d’avoir fait une belle course. Ma sixième place me convient autant qu’elle me pousse à revenir l’an prochain prendre ma revanche sur un parcours qui finalement me convient ! Une telle place avec une telle concurrence me ravie !
Un énorme merci à tous mes partenaires sans qui tout cela ne serait pas faisable ! Groupe Clim, Canyon, Hutchinson, GCN en Français, Néo Wheels, Missgrape, Supervelo, Fastclub, Ttilika, Spad Chanel, Glace et Café Romane.
La course sur Strava :
Richard Ampe says:
Le boss 😍😍😍
Captain Max says:
Merci le Belge !