L’Atlas Mountain Race de Julien

Julien Roissard notre expert Ultradistance qui à deja une tres belle liste de course fini avec souvent de tres bon résultat (y compris la TCR en juillet 2023). Aujourd’hui il nous rapporte son aventure sur une nouvelle course mythique l’Atlas Mountain Race Une course organisé par Nelson Trees, une personne légendaire de l’ultra distance.

Depuis que cette course existe elle m’attire. C’est un dépaysement garantie sans aller trop loin. Chaque fois c’est un regret quand sur Dotwatcher.cc en février. Mais ce n’est pas facile de se décider au mois de novembre plus une période de pause du vélo. C’est donc poussé par le suivi des amis du Fastclub sur la Bikingman X et après analyse du réseau de transport France/Espagne/Maroc que je décide de m’inscrire ! Car oui j’étais aussi un peu retenu par le transport en avion. 

Avant course – Déjà une aventure

C’est en train que je pars de Chambéry. Première étape à Barcelone. A eux seul les 300m pour rejoindre mon hôtel me font rendre compte que chaque mètre avec le vélo sur les épaules va faire mal … Le lendemain matin je me lance dans une petite balade récompensée par un chocolat chaud d’exception.

Puis c’est le départ pour Madrid où je note qu’avec la compagnie Renfe le vélo à de la place. Ensuite cap sur Algésiras. La traversée de la région de Cordoba me donne des fourmis dans les jambes, l’envie de parcourir ces routes à vélo est là ! La fin du trajet s’avère longue, avec une descente dans des gorges où l’on ressent le train sur la retenu. Et ce n’est pas fini, je décide de filer à Tarifa à 20km en taxi pour être sur place le lendemain. Arrivé à Tarifa, ville de départ du ferry, tard dans la soirée, je trouve un petit restaurant charmant pour dîner. Le réveil est rude le lendemain à 6 heures. Le vélo qui cogne ont créées des douleurs aux épaules et aux cuisses avec de jolis bleus en souvenir.

Une fois débarqué à Tanger direction la gare en taxi malgré seulement 3km. Au moment de l’enregistrement, un membre du personnel de l’ONCF s’inquiète de la taille de mon bagage, mais son supérieur ne voit aucun problème. Heureusement car le wagon était quasi-vide donc suffisamment grand pour accueillir plusieurs vélos. Changement à Casablanca pour un train de type TER. L’espace se fait plus restreint mais ça va.

48h avant le départ l’arrivée à Marrakech avec sa superbe gare me font un grand bien, encore plus de pédaler pour me rendre à l’hôtel. Arrivé je croise Thomas Boury, alias Toto Supertramp, qui me prodigue des conseils sur le quartier. Plus tard nous échangerons plus précisément sur la course à venir. Le jour du départ, alors que je savoure un bon couscous au restaurant repéré la veille, un message vient chambouler mes plans : décalage du départ de 24 heures ! Les autorités refusent un feu vert pour cause de pluie forte et donc de crue. Le lendemain l’attente se prolonge jusqu’à 16 heures sans nouvelles. Je profite de ce temps pour renvoyer mes affaires de pluie et froid en France. Finalement à 18 heures un départ non officiel est annoncé, sans escorte policière, avec des itinéraires alternatifs jusqu’au CP1. Enfin en route, l’aventure peut réellement commencer ! 

Km0 – Marrakech – Lets go !

En mode « autobus » ça roule à toute allure ! Pendant 40 kilomètres avant la première piste accidentée et du relief. À un moment donné, je prends une bifurcation à droite pour suivre l’itinéraire, et là, je me retrouve face à tout un peloton. Perdu, je fais demi-tour pour les suivre. On échange quelques mots, mais personne ne semble vraiment comprendre la situation. Puis, un message arrive : la route est fermée et la police nous impose un gros détour par une route principale. Le peloton remet du temps à s’étirer, mais ce seront les derniers kilomètres ainsi. Maintenant, la vraie course démarre en autonomie. Le col semble interminable avec ces 70km. Sur ma route, je recroise Steven Le Hyaric, accompagné d’Adrien Liechti, que je n’avais pas vu depuis 2021 lors de la TwoVolcano. Je retiens bien un conseil de sa part : prévoir 24h d’autonomie à chaque arrêt. Une fois passé le col, un vent de folie me frappe de face ou de côté. Je frôle la chute lors d’une rafale latérale. Arrivé au CP1 à Telouet, je fais un arrêt ravitaillement minimum. Il ne fait pas chaud et ce vent persistant est usant. 

CP1 – Telouet – Express !

Quelques kilomètres plus loin le vent se calme et c’est la fin du bitume. Le reste de la nuit se déroule sur des chemins rocailleux où il faut rester vigilant pour éviter les crevaisons ou les chutes. Un terrain vallonné nous accompagne jusqu’au magnifique lever du soleil. Ensuite, la plaine s’étend devant moi avec de grande ligne droite jusqu’à un point de ravitaillement crucial à Imassine pour la journée à venir avec une dizaine d’heures sans rien.

Une omelette, de l’eau, un peu de nourriture, une toilette rapide, un contrôle du vélo, et me voilà reparti. Une traversée de gué arrive rapidement, ce sera pieds nues avec un séchage ensuite pour éviter les problèmes liés à l’humidité. Ensuite, je fais face à un passage difficile, technique, raide et sous une chaleur accablante. Aucune végétation, pas d’eau, pas de vie. Les odeurs corporelles s’intensifient avec la chaleur du sol, et l’absence d’air devient étouffante. Je commence à douter de ma présence ici, mais ma patience me pousse à avancer, avec un regain de forme par rapport à d’autres concurrents dans cette rude montée. La suite semble interminable, avec une série de petits cols à franchir. Mais le paysage est là et le coucher de soleil vient gratifier le tous ! Je m’efforce de ne pas arriver trop tard au prochain village, Afra, où je retrouve d’autres participants.

Certains négocient une pièce pour dormir, mais je préfère une toilette rapide avant de continuer pour un endroit plus tranquille pour la nuit. Après quelques kilomètres, je trouve un spot idéal sous des petits arbres avec une bonne couche de sable. Je m’accorde trois heures de sommeil avant de repartir à minuit. Les premières heures sont éprouvantes, avec des fonds de gorges sablonneux ou rocailleux, mais une fois sur la route et après avoir franchi un col, je suis récompensé par un petit café ouvert à 5 heures du matin à Ait Saoun (ça c’est Fastclub) avec une personne très accueillante. C’est mon premier café depuis le début de la course, un moment de réconfort bienvenu avant de continuer.

Une de mes portions préférées m’attend ensuite, avec une piste vallonnée, roulante et le lever du soleil qui illumine le paysage. Des espaces agricoles apportent un peu de verdure et de bonnes odeurs d’arbres en fleurs. Le retour sur le bitume soulage et je fais un arrêt dans Tazenakht pour me ravitailler.

Au Maroc, les options salées rapides sont rares et je me retrouve avec du pain et de la vache qui rit comme seule option. Le trajet dans mon système digestif fut très rapide…une erreur que je ne répéterai pas. Alors que je traverse un village plus loin, un bruit fort et sec retentit et je sens une chaleur sur mon mollet droit : un tir de lance-pierre vient de frapper mon cadre ! Je ne perds pas de temps et continue ma route un peu déçu. Arrivé au CP2 à Asserraragh à 17 heures, je sais que la suite du périple risque d’être difficile sans ravitaillement, alors je savoure un tajine de bœuf avant de repartir. 

CP2 – Asserraragh – Le plus beau !

Encore une fois, un spectacle incroyable se déroule alors que j’entame une descente dans une gorge bordée de falaises abruptes. Après un moment sur la route, je retrouve un chemin technique avec un magnifique coucher de soleil. Je partage ce moment avec Adrien, qui fait son premier ultra, et je ne peux que lui témoigner mon respect. Nous arrivons ensuite dans un village où je m’attendais à trouver de l’eau, mais malheureusement, ce n’est pas le cas. Il va falloir gérer avec ce qui me reste. Les 30 kilomètres suivant sont un faux plats montants sur du bitume, une sensation d’être collé au sol qui m’épuise. Je dois me forcer et commence à surveiller attentivement le bas-côté de la route. Dès que je repère un gué avec du sable, je m’arrête pour 3 heures de sommeil bien méritées.

La reprise sur ce faux plat infini est difficile puis le terrain devient ensuite technique et raide. Je commence à avoir du mal à rester assis sur la selle quand ça secoue. La descente qui suit est tout aussi éprouvante, avec des cailloux ronds comme dans un ruisseau à sec. Tout en danseuse je m’épuise à descendre. Arrivé en bas, je vois le bitume comme le sommet d’un grand col, mais la joie est de courte durée. Un village est là, mais rien n’est ouvert. J’hésite à faire une pause pour attendre une ouverture mais l’envie de continuer est trop forte. La suite est une montée difficile, où je ne peux toujours pas m’asseoir sur la selle. Je tire sur les genoux en danseuse, me questionnant sur ma capacité à continuer. Mais comme par miracle le terrain s’adoucit, je peux enfin me rasseoir, et le moral remonte. Le lever de soleil dans la montée de la route coloniale est un moment magique, récompensant tous les efforts précédents.

Après avoir traversé des éboulements de chemin à pied et poussé le vélo, j’atteins enfin le sommet. Je centralise tout ce qui me reste en eau dans un seul bidon pour bien voir ce qui me reste. La descente n’apporte aucun répit. Le chemin est abîmé puis arrive une plaine avec des bosses. C’est dans le dur que je rejoins la route et la ville d’Issafen : un véritable soulagement 18h après le CP2.

Après une bonne pause pour reprendre des forces avec une belle omelette je repars. Mais c’est midi et la chaleur devient insupportable. Heureusement, nous nous enfonçons dans une gorge parsemée de villages verdoyants qui apportent un peu de fraîcheur. La montée finale est difficile, mais je peux enfin m’asseoir, et l’air redevient frais. Sans un vent désagréable la suite aurait été parfaite avec une belle piste sur un immense plateau. Mais ça va, en plus arrive le coucher du soleil. Après une courte pause à Afella Ighir pour une bouteille d’eau et un paquet de chips, je file déterminé pour passer rapidement un col et redescendre à Tafraout le CP3. Arrivé je profite des installations disponibles : nourriture, douche gratuite et possibilité de dormir. Après une journée aussi éprouvante, je décide de manger et de prendre une douche en attendant le service. Finalement, je me dis qu’il serait sage de passer la nuit ici et de bien récupérer avec 4 heures de sommeil. La journée a été rude et je sais que la fin ne sera pas le lendemain ! 

CP3 – Tafraout – le luxe !

Au réveil à 3 heures, un café et trois Snickers pour la route, c’est tout ce qu’il y avait. Ça repart tranquillement sur de la route, mais ça regrimpe vite avec des petits cols. Ensuite, nous empruntons une piste plutôt roulante pour atteindre des villages perchés juste incroyables. J’arrive au sommet avec le soleil levant et profite pleinement de la descente. Il faut être prudent car, une fois de plus, certaines portions sont très dégradées. En bas, je m’attendais à trouver un village avec un magasin, mais rien. Il va falloir affronter un chemin technique et raide sous le soleil qui va chauffer aujourd’hui. Nous avons quitté le plateau de l’anti Atlas et redescendu au niveau de la mer. Pendant l’approche, je rencontre plusieurs difficultés : mon vélo s’enfonce dans une terre molle, en descendant du vélo pour enlever la boue je me blesse à la jambe sur un petit cactus, et plus loin je ne declipse pas et tombe lourdement sur ma main droite dans un tas de cailloux. Mais malgré ces galères en 200m, je commence l’ascension difficile avec détermination. La chute semble avoir libéré de l’adrénaline en moi, transformant le désespoir en puissance. J’atteins finalement Sidi Abdallah où je retrouve Adrien, Florian, Andrew, Victor et Camille. Je serai le dernier à mettre les voiles car le gérant un peu perdu a oublié mon omelette…je préfère attendre et repartir bien !

Après c’est une série de pistes roulantes cassé par creux « descente/monté » de petits canyons. J’arrive dans un village où je prévoyais de faire le plein d’eau avant d’affronter une ligne droite difficile. Mais je ne vois pas grand-chose si ce n’est plein d’enfants qui courent autour de moi. À peine sorti du village, je me retrouve dans du sable qui rend la progression difficile. Je me dis que c’est une petite portion mais je réalise vite que je m’engage dans la fameuse partie de sable dont tout le monde parle. Les premiers plantages du vélo ne tardent pas à arriver, et je lutte pour avancer sous 40°C. Je suis abasourdi de voir un autre coureur passer comme si c’était une route. Je persévère, tentant de régler la pression du pneu arrière pour améliorer la situation. Après presque 2h pour 17km j’arrive au bout de ce calvaire. Il y’a un grand rond-point avec des grosses routes et donc des voitures « café » pour me requinquer rapidement. Je veux tracer jusqu’au prochain village où je me restaure et prend de quoi retrouver mes esprits.

L’objectif est un dernier gros village Amskroud avant la nuit où s’annonce une portion difficile de 93 kilomètres 3000m. J’attaque cette section en soirée, mais je sens rapidement que mon corps a besoin de repos. Je me bats pour passer un premier gros col et approcher au mieux le suivant. Mais arrive une montée dure à rouler où je dois tirer en danseuse. J’accélère l’urgence de trouver un spot. Un petit plat sur le côté : parfait vu le contexte. Une boîte de sardine avec du pain, un peu de toilette (malheureusement Cicalfate oublié au CP3) et je m’accorde une heure de sommeil bien méritée. Mais avant de repartir je sens que ça ne va pas le faire avec la selle et utilise un dernier joker : un pansement Urgostart sur chaque appui ! ça m’a sauvé (Merci Maxime).

Je rejoins le pied du gros morceau : la montée du “Stelvio” du Maroc dans la vallée du Paradis. Et là un grand merci à Yasinne d’avoir ouvert son café la nuit pour les coureurs de l’AMR au pied de cette montagne. Après un petit déjeuner rapide, je repars refais et avec des cacahuètes locales ! 2h30 plus tard la descente qui suit est longue, mais je prends mon temps pour rester concentré. Ensuite, il y a encore des collines à franchir avant d’atteindre la ville côtière d’Imsouane. Je fais une pause suffisante dans une boulangerie-pâtisserie avec pour objectif 6h non-stop jusqu’à la fin. Je me plante un peu en choisissant deux Msemen qui étaient d’une densité folle, j’ai eu du mal à en manger un avant de repartir et l’autre je l’ai terminé deux jours plus tard à l’aéroport…

Sinon la suite est progressive avec une partie de route pour digérer avant de dériver sur des chemins que je ne pouvais faire qu’en danseuse. Tout ça avec l’océan pas loin qui rappelle que la fin approche ! Les dix derniers kilomètres sont sur route, alors j’appuie sur les pédales jusqu’à apercevoir enfin l’arrivée dans Essaouira avec un panneau de l’Atlas Mountain Race ! 5 jours pile après le départ l’accueil est calme avec Nelson, qui discute avec Thomas sur le départ, et des personnes du staff. Intérieurement je suis heureux mais je le manifeste peu avec la forte envie de partir prendre une douche, de manger et de me coucher ! 

Après course :

Sûrement ma course la plus dur en termes de gestion d’alimentation et d’état du terrain : résultat c’est très difficile d’estimer un temps avant chaque ravitaillement et la relation avec ma selle a été compliquée ! Mais en échange avec des températures au-dessus des normales de saison ça été facile de gérer le sommeil. Tous ont été efficaces malgré le fait de ne pas avoir pris de matelas. Le sol restait chaud la nuit et c’était facile de trouver un terrain meuble en sable. Donc au final je n’ai improvisé aucune sieste à cause de fatigue prononcé. 

Encore une super aventure riche en expérience, la plus dépaysante qui pousse un peu plus en dehors de nos « conforts » ! Je retournerai sûrement au Maroc mais ce sera hors course pour profiter à 100%.

Pour finir je n’ai malheureusement pas pu concrétiser mon objectif de ne pas utiliser l’avion. Entre le décalage du départ de 24h, le mail d’annulation de mon train Barcelone-Chambéry pour grève et la fatigue qui rend tout plus compliqué. Dès le lendemain ça a déjà été une mission de remettre le vélo dans ça housse. Et ensuite un enchainement de taxi, bus, taxi, magasin de vélo, taxi pour rejoindre un hôtel à Marrakech avec le vélo prêt dans un carton !

Pour finir un grand merci à tous pour vos messages ! Encore plus pour cette course où j’ai ressenti la plus grande amplitude entre les hauts et les bas !

Voir sa course sur Strava ici

Merci à toi Juju d’être partie en éclaireur pour les prochains membres de l’équipe Fastclub qui partira sur cette magnifique course. Merci à toi de nous la partager et de nous faire revivre de l’intérieur ta course.

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