L’enfer du Gravelman Maroc de Christophe

Nous avons suivi la course GravelMan Maroc de Christophe il y a quelque temps. Au début nous étions très motivé pour que Christophe nous procure des émotions tout au long de son aventure puis assez rapidement après le départ nous sommes devenu plus qu’inquiet pour lui. 

Les conditions météo sont devenues tellement mauvaises qu’une partie des participants se sont retrouvés coincés dans les montagnes avec un mètre de neige… 

En ultra les participants s’engagent dans des courses de plus en plus dure, mais quelle est la limite ? L’avons nous touchés dans cette épreuve et comment tout s’est réellement passé. Voilà notre sujet avec Christophe aujourd’hui. 

Salut Christophe, comment vas tu ? Bien remis de cette aventure ??

Bonjour, tout va bien merci. Oui bien remis de cette aventure. Je n’ai pas connu de fatigue particulière ou problème physique.

Quelle est la prochaine au passage ? 

La prochaine course ultra est le Bikingman Corse prévu en duo.

Lorsque tu t’es inscrit pour le Gravelman Maroc quels sont les points qui te motivés ou que tu recherchés ? 

L’atlas est pour moi un lieu mythique qui me fait rêver depuis de nombreuses années. C’est également l’occasion de découvrir une région d’un pays d’où est originaire une partie de ma famille.

Le parcours était dans les 600 km avec pas mal de dénivelé, quelles étaient les infos que tu avais dessus ? 

Effectivement un parcours de 600km avec 12200 d+ sur parcours qui promet d’être gravel très engagé avec de nombreux passages aux alentours de 2500 m d’altitude avec en prime une situation météo qui se dégrade à l’ approche du jour du départ de l’épreuve.

Ca y est nous sommes la veille du départ, comment cela s’est passé ? (pour une fois on ne parle pas de la course mais plutôt des a coté) Ambiance Marocaine ? Couscous tous ensembles, vous aviez un logement commun ? 

Nous sommes  quasiment tous logés aux collines de l’Atlas à Ourika aux portes des montagnes de l’Atlas. Ce lieu fait office de camp de base pour dormir, manger, et prendre le départ de la course.

L’ambiance est conviviale autour de bons plats marocain.

J-1

La question de la météo se fait plus prégnante. Les prévisions se dégradent, vent, neige, sont annoncées. 

H-1

A 1 heure du matin le vent s’engouffre sous la porte de notre chambre. Mes deux copains de chambrée et moi même ne fermeront plus trop l’œil à la fois dérangé par le bruit et les interrogations quant aux conditions climatiques extérieures.

On sait que les conditions météo étaient désastreuses (plus grosse tempête depuis 7 ans) L’organisation vous a-t-elle mis en garde ? L’option de décalage de départ ou le changement du parcours ont elle était évoqué ? Je pose ces questions car en temps qu’optimiste je serais surement parti en slip pour rouler sous le soleil du Maroc ! Je me serai mis en danger, je le sais et je me pose la question pour savoir si d’autres personnes ont fait comme ça. 

Lors du briefing de course à 5h00 du matin, Steven Lehyaric nous indique qu’au vue des conditions météo une seule trace 600km est donnée et non plus deux , sur deux niveaux de difficulté comme prévue.

Je pense que le report ou changement de parcours était dans de nombreux esprits de participants mais aucune information ne sera donnée dans ce sens.

Balise en main nous prenons le départ de façon dispersée.

Maintenant place à la course ! Raconte nous :

Le départ est donné à 6 h du matin après un court briefing de Steven Le Hyaric.

Je pars avec 2 autres participants et abordons le début de la course en direction de la ville de Setti Fadma. Sur la route, le vent violent est toujours présent. Maintenant le vent lance de terribles rafales qui nous obligent à poser pieds à terre pour ne pas chuter dans les zones les plus exposées.

Nous observons des chutes de pierres et bientôt un véritable rocher venu terminer sa course sur le bitume. La vigilance est de mise. Nous nous éloignons de la paroi rocheuse qui borde la route.

La route est également jonchée de poteries cassées sur la route venant des étals situés sur le bord de la route. Les plaques métalliques ondulées faisant office de toiture n’ont de cesse de claquer au vent.

Je me demande alors si toutes résisteront aux assauts répétés du vent. Le risque que l’une d’entre elles se décroche et vienne nous percuter est omniprésent.

Tout cela donne un climat de tension assez particulier dès les premiers kilomètres de la course.

Nous arrivons à Setti-Fadma , la pluie s’intensifie et les phénomènes de crue aussi. La route est maintenant régulièrement ponctuée de ruissellement d’eau qui la traverse en drainant de la boue.

Nous suivons les conseils de Steven et faisons une pause pour nous réchauffer dans un petit restaurant n’ayant plus d’électricité mais dans lequel il est possible de prendre un thé et des sandwichs au fromage, avant d’entreprendre l’ascension de l’Oukaimeden.

A peine relancés, nous devons rapidement délaisser la route au profit d’un chemin escarpé, de l’ordre du chemin de mule, marquant le début de l’ascension du col qui se fera intégralement à pied, en poussant et portant le vélo. La progression est lente sur ce chemin étroit et tortueux.

Rapidement un message de l’organisation indique que les participants sur la trace route n’ont plus accès au col par les autorités et qu’ils sont déroutés.

Bientôt, la pluie se transforme en neige et nous apercevons le chemin blanchir. Plus l’ascension se poursuit, plus le niveau d’enneigement s’accentue et les chutes de neiges sont importantes accompagnées de vent.

La trace est maintenant imperceptible dans la montagne. Nous sommes dans la neige le visage fouetté par le vent et la neige, peinons à nous repérer. Nous en sommes à suivre l’indication de notre compteur GPS en luttant contre le blizzard dans un décor totalement monochrome ou ciel et terre se rejoignent sans distinction.

Les conditions nous obligent à arpenter la montagne de façon verticale, la neige à hauteur de genoux. Progresser dans ces conditions tout en portant les vélos demande un effort considérable. Enfin, nous atteignons 2.000 m d’altitude, la couche de neige mesure 1 mètre par endroit. Sans perspectives d’échappatoire.

Nous nous interrogeons sérieusement sur la pertinence de cette ascension et remettons en question le fait de continuer.

Tout à coup, nous apercevons un village et des personnes s’approchent de nous. Ce sont des berbères sortis de leur village situé en contrebas. Nous regardant incrédules face à cette situation tout à fait improbable. Ils sont venus au secours de 2 participants un peu plus bas à bout de force physique et mentale… en leur portant leur vélo.

Nous décidons de faire une pause au village pour établir un plan de repli. Le moment est incroyable !

Nous n’avons plus aucun moyen de communication, nos téléphones et balises GPS ne fonctionnent plus depuis plusieurs heures. Nous avons attaqué l’ascension à environ 9 h 30 du matin, il est maintenant 13 h. Les berbères nous indiquent un abri où stocker nos vélos et nous invitent à rentrer chez eux. Ils nous font plusieurs feux pour nous réchauffer et nous donnent de quoi nous asseoir. Les participants continuent d’affluer, nous sommes 15 maintenant.

Une deuxième pièce nous est offerte en délogeant des chèvres. Le feu dégage une fumée intense me piquant les yeux et m’asphyxiant. Les berbères créent des ouvertures en déposant quelques pierres des murs pour ventiler la pièce. Tout le monde est assis sur de petits tabourets ou accroupis pour ma part afin d’éviter d’inhaler trop de fumée. Nous nous réchauffons au pied du feu. La situation est dingue et l’image incroyable. Tout comme les feux qui nous sont offerts, nos corps et vêtements dégagent de la vapeur en se réchauffant. Pour finir par nous envelopper dans une ambiance vaporeuse.

Les berbères ne possédant rien, vivants dans des maisons de pierres, non isolées, avec de la terre battue au sol, nous donnent tout ce qu’ils possèdent spontanément ! Allant jusqu’à nous offrir du thé et des galettes.

De quoi sérieusement remettre en perspective sa propre condition et son niveau de préoccupation quotidien. Tout comme le rapport que nous avons aux autres.

2 heures sont passées lorsque nous décidons de repartir du village pour redescendre en prenant la route, enneigée elle aussi. Les berbères sont inquiets, ils nous accompagneront sur une partie de la descente.

Nous sommes donc 15 participants en procession les uns derrière les autres. L’avancement est mécanique et s’effectue sous forme de passage de relais afin de partager l’effort énorme qu’il faut entreprendre pour ouvrir la trace avec son vélo dans la poudreuse. Cela durera 14 km. Au bout de 7 heures environ, nous retrouvons du réseau et le contact avec l’organisation pour indiquer notre situation.

La trace 600 km gravel est annulée. Pour un report sur la trace 350 km qui ne passe pas dans les montagnes de l’Atlas.

Lorsqu’il est enfin possible de remonter sur le vélo pour pouvoir retrouver Setti Fadma situé à 3 km de là, à 18 h, au bout de 9 h de périple. Je monte sur mon vélo, ne fais que quelques mètres lorsqu’une pierre coupe mon pneu avant. Le liquide préventif sort de mon pneu mais ne parvient pas à reboucher. Me voilà donc en atelier réparation, à tenter de poser des mèches sans effet et donc dans l’obligation d’installer une chambre à air.

Le tout assisté par des locaux et 2 autres participants, au crépuscule, aidé par la lumière du téléphone portable, les mains nues exposées au froid et dans la neige… Un début de course épique !

Je relie Setti Fadma et rejoins les autres participants arrêtés, en train de se restaurer.

L’organisation nous indique que nous devons basculer sur la trace 300km gravel de part les conditions météo.

Les trois quarts des participants présents décident de ne pas poursuivre l’aventure et de rentrer au camp de base à Ourika.

Mes 2 compagnons de route et moi-même décidons de poursuivre ou plutôt de commencer l’aventure direction Ouirgane (check point 1) que nous relierons samedi à 4 h du matin .

Après cette folle épopée et une courte pause de sommeil dans l’Auberge du CP1. Nous remettons les compteurs à zéro et partons à l’assault de la trace 300 km. La météo est beaucoup plus clémente, tout est sublime, la trace aussi bien que le décor constitue un véritable tableau permanent composé de couleurs incroyables.

Le vélo roule très bien et me permet de progresser sereinement aux côtés de mes compagnons d’aventure équipés de VTT. Il n’y a plus de notion de course, la frustration de devoir basculer sur un parcours deux fois plus court que celui prévu est énorme. Nous décidons donc de prendre notre temps pour profiter à fond de chaque instant et des paysages qui s’offrent à nous. Nous arriverons au camp de base, à Ourika, dimanche à 3 heures du matin.

Dimanche sera une journée off pour repartir lundi en duo sur une trace de 200 km faite par Steven, passant par le désert d’Agfay. Décor somptueux et grandiose composé de dunes et d’oasis dans ce désert de cailloux, tout droit sorti des contes des 1.001 nuits.

Pour les conditions climatiques c’est sans transition, avec une température de 26°c. Crème solaire et tenue d’été sont de sorties. Nous profitons à nouveau pleinement de cette journée, accompagnée pour l’occasion de l’équipe de photographes du Gravelman, venue nous suivre en mode reportage. Nous terminerons notre périple mardi à 3 heures du matin.

Une aventure hors norme, hors du temps, qui restera gravée dans ma mémoire, partagée avec deux compagnons extraordinaires, Ali et André.

Incroyable Christophe, cette course ou aventure te restera graver a vie je pense. Avec le recul, quel est ton bilan de cette course ? Étais tu bien préparé ? As-tu pris les bonnes décisions ? Penses-tu que l’organisation aurait dû faire les choses différemment et comment ? On sait aussi que l’orga est venue récupérer des participants dans une maison sous la neige sur le parcours.  (On est pas là pour accabler l’organisation mais elle a comme les participants des responsabilités)

Je te confirme que cette aventure restera gravée dans ma mémoire. 

Avec du recul je remercie mon coach pour ma préparation sans faille  et me remercie d’être assidu à l’entraînement et précautionneux dans mon équipement embarqué.

Ceci m’a réellement permis d’affronter ces conditions extrêmes tout en conservant sang froid et capacité de réflexion.

L’organisation ne peut pas tout anticiper ni couvrir tous les aléas et imprévus.

Cependant en tant que participant nous attendons légitimement d’une organisation qu’elle soit présente sur l’aspect sécurité et prévention des risques. Et ce d’autant plus lors d’épreuves en totale autonomie.

Pour ma part je pense qu’au vue des bulletins météo annoncés, un changement de parcours s’imposait afin de limiter les risques et les nombreux déboires qu’ont vécu les participants.

Je déplore de ne pas avoir croisé une seule fois  l’organisation sur le long de l’épreuve et surtout durant la longue et périlleuse ascension de l’Oukaimeden. Ou nous étions coupé du monde sans réseau gsm ni balise gps. Même si nous pouvions être en contact avec Steven via Whatsapp et téléphone sur le reste du parcours.

Merci beaucoup Christophe et à très vite ! 

Max

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